vendredi 28 mars 2025

Les libres propos d'Alain Sanders

 

Les tropismes poutiniens du Figaro

 

Nous avons souvent eu l'occasion de souligner - et de documenter la chose - qu'il y au Figaro, un peu en douce, en lousdé, à la sournoise, des tropismes poutiniens distillés au gré des articles ou des tribunes. Nous en avons un exemple de plus avec, dans l'édition du 27 mars, un reportage dans l'oblast de Koursk où les forces armées ukrainiennes ont fait une percée remarquée le 26 août 2024 (elles en contrôlent encore 80 km carrés).

D'emblée, le titre du reportage donne la tendance : "De Soudja à Koursk, les plaies béantes de l'incursion ukrainienne". L'Ukraine a été envahie, elle est sauvagement pilonnée nuit et jour, on y compte des dizaines de Boutcha, les enfants ukrainiens des oblasts aux mains des Russes ont été déportés en Russie, etc. Mais quand l'armée ukrainienne riposte, façon réponse du berger à la bergère (histoire de montrer aux Russes ce que ça fait d'être envahi), les médias poutinophiles ne cachent pas leur désapprobation.

Le Figaro nous dit : " Dans Soudja, le niveau de dévastation dépasse l’entendement. La ville a été aplatie par sept mois de pluie d'obus". Certes. Mais il serait bien de préciser que cette pluie d'obus a été déversée par les Russes. Sans états d'âme pour leurs propres compatriotes pris sous ces feux "amis"... Aujourd'hui, Soudja ayant été en partie reprise, Moscou se soucie de l'évacuation des civils restés dans la ville (sans avoir subi, soit dit en passant, de maltraitances spécifiques de la part des forces ukrainiennes). Cette évacuation est menée par de "courageux volontaires", nous dit l'envoyé spécial du Figaro.

Le même n'a pas de mots assez forts - on a presque envie de dire : admiratifs - pour décrire "les combattants de la reprise de Soudja (qui) reviennent en héros" (après être partis la queue entre les jambes, là encore soit dit en passant). Par exemple Zazoulevka "une jeune volontaire russe au regard d’acier (sic)". Ou encore Pianitsa, Hector et Splinter : "Ils sont devenus des moujiks, de vrais mecs, en l'espace de quelques mois".

On a droit aussi à une évocation propre à faire pleurer dans les datchas et dans les salles de rédaction empoutinisées avec une cérémonie au cimetière de Koursk : " Ces hommes sont issus des bataillons de volontaires Arbat ou Piatnachka, certains sont d'anciens du groupe Wagner". Sacrés "héros" en effet que ces criminels de guerre, bourreaux du peuple ukrainien, vraiment dignes d'être cités dans une pleine page du Figaro... D'ailleurs pas d'équivoque dans les propos rapportés d'un de ces anciens de Wagner, aujourd’hui membre de Redout (1) : "Il faut au moins prendre toute la Novarossia, c'est-à-dire tout le Sud jusqu'à Odessa et jusqu'au Dniepr, voire au-delà. Pour Kiev, on verra".

Zelensky a raison de rappeler inlassablement : " Le Kremlin ne veut pas la paix (...). Je vous confirme aussi que Poutine essaie de gagner du temps et qu'il se prépare à une offensive de printemps". Offensive à venir que nous évoquions dans un tout récent blog, avec concentrations de troupes dans les régions de Soumy, de Kharkhov et de Zaporijjia (notamment). Poutine voulait lancer cette opération il y a huit mois. "Mais nous l'avons empêché grâce à notre intervention à Koursk. Voilà pourquoi aujourd'hui il a besoin de temps", rappelle encore Zelensky.

 C'est un partie de la stratégie de Poutine que de faire traîner les discussions. Quitte à violer des accords prétendument acceptés (comme en Géorgie, en Crimée, au Donbass, etc.). Pour le coup, il est aidé en cela par un Trump plus que conciliant (manière soft de dire les choses) dans son obsession à tricoter un accord de paix.

L'Ukraine a notamment un besoin urgent de défenses anti-aériennes efficaces. Les Américains, qui en disposent, semblent traîner des pieds (et c'est un euphémisme).Le problème, c'est que les Européens, qui ont des moyens quasi similaires, rechignent toujours à les livrer à Kiev (malgré des promesses réitérées et des câlins pelotards de Macron sur la personne de Zelensky).

Alain Sanders

(1) Fédération de milices armées. Coiffée par le GRU et coordonnée par le ministère russe de la Défense.

 

 

 

mercredi 26 mars 2025

Sur la question du port du voile dans le sport, le boxeur iranien vaut mieux que le judoka français !


Notre cher ami le pasteur évangélique franco-marocain Saïd Oujibou, grand connaisseur des évolutions de l’islam, nous a souvent affirmé que l’Iran islamiste était en réalité très profondément « désislamisé », surtout dans les villes.

Et que ce serait le premier pays du monde musulman à rejeter totalement l’idéologie du prophète.

On constate aussi chez nous combien les réfugiés issus de ce pays ne sont pas – ou plus – musulmans ; combien aussi il est souvent difficile de distinguer les iraniennes et les iraniens que l’on peut rencontrer de l’ensemble de nos compatriotes de souche française.

Ainsi en est-il du très sympathique et souriant Mahyar Monshipour, ex-champion du monde de boxe et aujourd’hui conseiller technique de la Fédération Française de boxe. Comme tant d’iraniens (qui sont des Aryens), Mahyar Monshipour n’a rien qui le différencie ethniquement d’un Européen suisse ou italien. Mais l’important n’est pas là. L’important est que ce grand sportif porte sur l’islam un jugement lucide autrement motivé que celui du champion de judo non moins sympathique mais superficiel, Teddy Riner.

 Ce dernier professe hélas plus conformistement que la question du port du voile islamique dans le sport n’a pas pour lui d’importance. Il déclare : « Dans certains pays voisins, dans d’autres cultures tout se passe bien et ça n’emmerde personne. Je crois qu’en France on perd notre temps sur certaines choses et surtout on s’en sert pour mettre la lumière là où il ne faut pas ».

Il a certes tempéré ensuite cette prise position initiale mais Mahyar Ponshipour s’est néanmoins adressé directement à lui sur les réseaux sociaux pour lui dire qu’il ne faut pas prendre position sur certains sujets lorsqu’on ne les maîtrise pas. « Car, a-t-il ajouté, il faut bien comprendre le dessein derrière la volonté d’imposer le port du voile dans le sport ». Il a continué : « L’objectif très précis : il s’agit de rendre habituel la présence du fait religieux.  Il ne s’agit pas du port d’une simple croix mais de la volonté de cacher la femme avec le voile. Le voile est un linceul et le signe visible d’une inégalité entre l’homme et la femme ».

Mahyar Monshipour a poursuivi : « Je pense que Teddy se trompe par méconnaissance du sujet tout simplement. Les sportifs ou artistes qui prennent parfois la parole sur ce sujet ne doivent pas devenir les idiots utiles de l’islam des Frères musulmans. » Et plus loin : « Je le répète, une recommandation religieuse n’a rien à faire dans la pratique sportive… Le permettre, c’est accepter un petit pas de plus des Frères musulmans dans notre société. Vive l’Iran libre ! ».

·         Russie – Ukraine : trêve en Mer noire ?

La marine ukrainienne a depuis longtemps totalement gagné la bataille de la Mer Noire, obligeant la Russie à abriter dans la Mer d’Azov ce qui lui restait de sa flotte.

Poutine a hélas pu compter sur son grand ami Donald Trump pour imposer une trêve sur l’ensemble de la Mer Noire, permettant ainsi le retour de la flotte russe. Grâce à Trump, Poutine peut appliquer ainsi la vieille maxime léniniste : « Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est à moi ! ». À suivre…

 

vendredi 21 mars 2025

La Cour d’appel de Paris rend justice à l’abbé Pagès, injurié parce que catholique, et à l’AGRIF qui le défendait.

Bernard Antony, président de l'AGRIF, communique :

C’est avec stupéfaction que monsieur l’abbé Pagès, prêtre du diocèse de Paris, et l’AGRIF qui le soutenait en cette affaire, avait accueilli l’hallucinant jugement du tribunal de Paris où l’on avait osé prétendre que les injures proférées contre ce dernier par deux internautes le visaient comme prêtre mais pas comme catholique !

Ils avaient proféré, pour l’un : « Vous semblez être plus calé en pédophilie qu’en virologie dans la religion catholique ! Chacun sa spécialité ! » ; pour l’autre : « Retourne toucher des gosses et tais-toi ! ».

De pareils propos à destination d’un représentant d’une autre religion n’auraient pas été sans être irrémédiablement sanctionnés par le tribunal, comme l’a justement fait la Cour d’appel, rendant donc justice à l’abbé Pagès et à l’AGRIF.

En effet, les deux prévenus ont été condamnés à verser à ces derniers un euro de dommages et intérêts. Il s’agit évidemment là d’une très claire condamnation de principe. Par ailleurs, la Cour les a condamnés à payer 2000 € au titre des frais d’avocat.

On mesure là  à nouveau combien était juste le mot du regretté Georges-Paul Wagner, un des premiers avocats de l’AGRIF : « Pour l’AGRIF et pour les catholiques, pour gagner il ne suffit pas d’avoir raison, il faut avoir cent fois raison ! ».

Une fois encore ce n’est que grâce à l’opiniâtreté de l’AGRIF et de son avocat principal maître Jérôme Triomphe que justice a été rendue !

Les libres propos de Michel Léon

 

Quand le trumpiste New York Post soutient l’Ukraine

Les médias poutinistes français, de cette droite apparemment ravie des récentes contorsions de Trump dans sa danse du ventre devant le prétendu justicier et redresseur de morale du Kremlin, et qui lape allègrement dans l’écuelle servie par l’ambassade de Russie à Paris, devraient regarder ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique pour ne pas être une fois de plus en retard d’une bataille. Le très trumpiste New York Post, propriété de la famille Murdoch et grand tabloïd populaire, vient de publier un éditorial au vitriol enjoignant Donald d’arrêter de trahir l’Ukraine tandis qu’un sondage montre le basculement de l’opinion.

 « Résistez aux exigences extrémistes de Poutine, M. le Président – et les Américains vous soutiendront », titre l’article rédigé - rien de moins - que par le conseil éditorial du New York Post, et publié le 18 mars.

 D’entrée, le ton est donné : « Vladimir Poutine exige encore la lune pour accepter un cessez-le-feu complet avec l’Ukraine. Le pacificateur Donald Trump devrait bientôt devoir laisser tomber les amabilités et sortir les bâtons. S’il le fait, la majorité des Américains le soutiendront ». Arguments : « Poutine a publiquement exclu tout cessez-le-feu tant qu’il n’a pas d’abord obtenu un arrêt total de toutes les aides militaires et des partages de renseignements avec l’Ukraine. S’il insiste encore, alors il faudra sortir les bâtons avec des sanctions encore plus dures contre Poutine & Co et plus d’aide en armements létaux à l’Ukraine ».

 « Vlad », ainsi que le surnomment les journaux de droite du groupe Murdoch, que ce soit le New York Post aux Etats-Unis ou le Sun au Royaume-Uni (ce dernier assure une quotidienne couverture vidéo de la guerre sur son site internet), « est une brute sauvage qui intimide ses voisins, empoisonne ses ennemis, réprime son propre peuple, terrorise les populations civiles et va jusqu’à enlever des enfants », assène l’éditorial, pas dupe de son masque de défenseur de la morale chrétienne.

 « On a du mal à imaginer que Vlad puisse espérer que Donald Trump renonce à ses moyens d’action ou donne à Moscou tous les arguments pour faire traîner les pourparlers pendant que (Poutine) déchaîne ses forces sur Kiev soudainement paralysé et aveuglé, ou prépare une attaque dévastatrice comme celle qu’il a échoué à conclure voici trois ans », poursuit l’éditorial.

  Le soutien de la population des Etats-Unis à Kiev augmente, montre un nouveau sondage Gallup, relevé par le Post : « 46 % des Américains jugent que Washington n’en fait pas assez pour aider l’Ukraine, niveau de soutien le plus élevé depuis que la guerre a commencé, en hausse de 16 point depuis décembre et de 21 point depuis octobre. Simultanément, la part de ceux qui pensent qu’on en fait trop a plongé de 37 % en décembre à 30 % aujourd’hui ». Et, insiste le journal trumpiste alors qu’on n’est qu’un mois après l’humiliation publique de Zelensky dans le bureau ovale, « une majorité de  53 % veut aider l’Ukraine à récupérer le territoire qu’elle a perdu, même si cela prolonge le conflit, contre 45 % qui veulent que ça finisse rapidement et qu’on laisse la Russie conserver le terrain qu’elle a volé ».

 Conclusion : « Trump a raison d’essayer de mettre fin à cette guerre, mais obtenir la paix exigera de la force – incluant, si Poutine continue son petit jeu, de renforcer l’Ukraine. Rappelons-nous : la Russie subit une pénurie de main d’œuvre et de matériel. Son économie est dans les tréfonds. »

 C’est l’un des principaux journaux de droite et trumpiste des Etats-Unis qui l’écrit. Dont acte.

Michel Léon

 

Les libres propos d'Alain Sanders

 

Ukraine : ne rien lâcher ou disparaître...

 

Au moment même où nous écrivons, des troupes russes font mouvement au nord et au sud de l'Ukraine. Pour se positionner dans les régions de Soumy, de Kharkhov et de Zaporjjia. Dans le même temps que les villes ukrainiennes sont pilonnées à mort nuit et jour. Alors parler à longueur de jours de négociations en cours, de cessez-le-feu possible, d'arrêts éventuels des combats, voire de paix au bout du chemin, a quelque chose de dérisoire. Pire : d'obscène.

Les buts de la guerre déclarée par la Russie sont sans équivoque : s'emparer des territoires ukrainiens et de leurs ressources. Mais plus encore, comme l'écrit Oleksandra Matviichik, Prix Nobel de la Paix : « Poutine n'a pas lancé cette guerre pour prendre plus de terres, mais pour occuper et détruire l'Ukraine, et rétablir l'empire russe ». Tout le reste n'est que piètre littérature pour diplomates en mal de sujets de conversation.

Pour l'heure, Moscou occupe plus de 20% du territoire ukrainien (ramené à la France, cela équivaudrait à son amputation de la région Grand Est, de la Bourgogne et de la Franche-Comté) : la Crimée, bien sûr, et quatre oblasts (Louhansk, Donetsk, Zaporijjia, Kherson). Au vrai, à part l'oblast de Louhansk, contrôlé à près de 90% par Moscou, les autres oblasts sont l'objet de combats acharnés (et pas toujours à l'avantage des Russes et de leurs supplétifs tchétchènes et nord-coréens, comme l'instillent les journalistes poutinistes en France). Comme sur le fameux saillant de Koursk (qui devait tomber en deux jours selon le narratif trumpoutinien), les forces ukrainiennes font plus que résister dans les oblasts envahis. Des territoires à quoi Moscou – et désormais Washington, si on a bien compris – s'accrochent comme des arapèdes à leurs rochers : des « terres rares » riches en fer, en titane, en zirconium notamment.

Dès le début de l'invasion, les Russes ont ainsi pris le contrôle de l'immense centrale de Zaporijjia (six réacteurs nucléaires). Trois ans plus tard, la centrale ne produit toujours plus d'électricité. Elle produisait 20% de l'électricité ukrainienne. Depuis 2022 l'Ukraine, raccordée au réseau électrique européen, a fait son deuil de la centrale où campent les Russes. « Pas question de lâcher Zaporijjia et sa centrale », proclame Moscou. Sauf que, la semaine dernière Trump a réclamé, là encore, sa part du gâteau : « Il est aussi question d'une très grande centrale électrique – qui va l'avoir ou qui va avoir ceci ou cela ». La logique voudrait qu'elle revienne à ses légitimes propriétaires, les Ukrainiens. Mais on l'a compris : le partage des dépouilles de l'Ukraine est programmé sans l'Ukraine.

Ce serait cependant compter sans Zelensky (dont on ne saluera jamais assez l'héroïsme) : « Pour l'Ukraine, reconnaître les territoires ukrainiens comme russes est une ligne rouge. Nous ne la franchirons jamais ». Zelensky, au grand dam de Trump et de Poutine, continue de bénéficier de l'appui massif (plus de 70%) des Ukrainiens. Ce qui a fait reculer la tentation de Trump, sous l'oeil gourmand et complice de Poutine, de le faire « dégager » pour le remplacer – et il y a des candidats, hélas – par un collabo de circonstance.

Dans les territoires occupés, c'est la terreur au quotidien : élimination des maires, des journalistes, des enseignants ; interdiction de la langue ukrainienne ; destruction du patrimoine ukrainien ; arrestations en masse (selon de nombreux témoignages « on peut être emprisonné, abusé sexuellement, torturé à mort pour avoir exprimé son identité ukrainienne ») ; enfants ukrainiens (au moins 20 000) déportés en Russie pour y être systématiquement « rééduqués » ; etc.

Oleksandra Matviichuk, déjà citée, explique encore : « Les Russes ont besoin de cette cruauté pour liquider les minorités actives et en faire des exemples : voilà ce qui arrivera à quiconque ne sera pas loyal. La souffrance sert à briser la résistance. C'est devenu une composante de la culture russe qui, pour nous, ne se résume pas aux ballets classiques, mais comprend Boutcha et ses dépouilles de civils disséminés le long des routes. Depuis trois ans, nous avons déjà documenté 81 000 crimes de guerre ».

Quasiment seuls désormais, quasiment abandonnés et abreuvés de belles paroles inutiles, trahis ignominieusement, les Ukrainiens ne lâchent pourtant rien. Ce peuple est admirable.

Alain Sanders